mercredi, mai 14, 2008

En toute impudité. (Parce que j'aime pas les mots en "eur".)

Sur le trajet se dire que la solution, c’est de ne plus parler. Oui, voilà. Sans parler, je peux tenir. Juste une boule dans la gorge, c’est gérable, allez.
Sauf que la stratégie du mutacisme rencontre très vite ses limites, notamment avec l’automatique ça va ?

L’hôpital. Se blinder un peu plus à chaque «t’es sûre, hein ? » « c’est pas facile, tu sais, c’est peut être mieux que…. ». « Il parait que c’est mieux pour faire son deuil de toute manière ». Ne plus rien entendre.
Enfin, le monsieur en costard apparaît.
L’ascenseur qui déconne. Niveau moins trois.

Une gorgée de sirop de pêche avant de franchir les portes gris-moche.
L’angoisse parce qu’ « ils lui ont enlevé son alliance », et puis non, elle est bien là, à l’autre main. Ses doigts boursouflés aux ongles violets. Les marques rouges sur son visage. Mais une sérénité ambiante, qui nourrit.
Pas de larmes.
Une promesse silencieuse, seule avec elle. Jusqu’à la pièce glissée dans sa main « si on lui demande de payer sa place, là haut. C’est comme ça qu’on fait chez nous. »
Touchée, infiniment.

Sa trousse de toilettes à oursons.

Peu de monde, comme prévu.
Le blindage qui ne tient plus, à l’entrée du crématorium. Plus du tout. Tout s’entremèlent.
Leurs regards inquiets. Petit frère qui sèche mes larmes. Le même monsieur en costard qui s’approche « mais, c’était qui pour vous, madame R. ? » Un presque sourire, c’est sûr que la ressemblance physique n’est pas frappante. Quelque chose dans son regard qui me fait revenir sur mon "ils font ça à la chaine de toute façon, que de l’organisationnel, aucune empathie", pensé en suivant le corbillard. Eh ouais, loupé.

Des orchidées violettes et des pétales de roses à la place des renoncules oranges et rouges.
La sonate au clair de lune et Nicoletta à la place de Rue des cascades et autres comptines tiersiennes.
Mais le même aquarium à l’entrée, les mêmes sièges violets.
Elles se seraient bien entendues, toutes les deux. « De l’autre côté du chemin », qu’ils disent.

(...)

Finalement, le plus dur, c’est que le « nous » se dissout très rapidement. Rattrapés par l’autre réalité, les impératifs du quotidien.
L’attente, deux heures sous le soleil pour la boite grise protégée par un grand étui bleu.

Alors, voilà. Il n’y aura plus de « Oh, pétard ! », ni de « c’est magnifique » à l’ouverture de chaque cadeau à Noël, ni de batailles de chantilly, ni de (…)

Besoin d’accordéon, ces derniers jours. Battre un deux temps en ternaire sur La fiancée de l’eau.


Légère.

Vous savez, quand on est la petite fille d’une Dame qui prenait tellement soin des autres qu’elle s’en oubliait, notre boîte à souvenirs, elle est d’une richesse extraordinaire.




2 commentaires:

Anonyme a dit…

Garde les précieusement, les souvenirs. C'est aussi important que cette pièce glissée dans la main.

*pensées pour toi*

Unknown a dit…

le coeur y est, les souvenirs s'accumulent, les images défilent dans la tête, les rires aussi...
Encore un pas à franchir.

Gros bisous à toi ^^