dimanche, mars 29, 2009

Intrusion consentie.

La fac et le stage, ça laisse quand même beaucoup de(s) temps libres (ou plutôt, vides). Surtout quand on réalise qu'on n'envisage pas un M2 tout de suite.
Envie de vivre mieux, aussi.
Du coup, depuis bientôt un mois, je travaille. Je fais de l'intrusion consentie.

J'y apprends tellement plus qu'à la fac. Partir d'un évènement, de concret, s'interroger, cogiter, avoir envie d'ouvrir des livres, emprunter des films et documentaires sur le sujet. Je trouve cette démarche tellement plus logique, plus authentique.
Je me nourris, enfin.


Extraits.

Mardi dernier, je suis allée chez un monsieur; G., assez jeune, que je n'avais pas encore rencontré. [D'ailleurs c'est ce qu'il me plait dans ce boulot : ce sont de véritables rencontres].
Pendant qu'il était sous la douche et que je passais la serpière, on a sonné. "C'est le papa du gus !"
On parle de tout (et surtout de rien). Et puis, G. sort de la salle de bains. Le regard de son père change, il devient gris. Peu de mots échangés avec son fils. En sortant le fauteuil manuel (utilisé seulement à l'extérieur, G. marche, mais en titubant), il me glisse un "vous savez, j'ai toujours peur qu'il tombe". Et il s'en va, avec son regard triste.
Moins d'une heure plus tard, on sonne à nouveau. "Bonjour, c'est le frère à G.". Il dit lui "bonjour, ça va ?", me serre la main, lui répète "bon alors, ça va ?", G. rerépond, s'en suit un "bon bah, à demain G. !". Et il s'en va.
Midi et demi, rebelote, on sonne. Sauf que cette fois, le monsieur ne se présente pas.
Il vient installer un miroir. Très vite, un sentiment de gêne : le monsieur ne comprend pas G. [qui a des difficultés d'élocution. Mais avec un peu de concentration et d'attention, y a plus de soucis], qui est obligé de passer par l'écrit pour communiquer.
Une fois le monsieur parti, G. me dit "Ca y est, t'as vu toute la famille ! C'était mon autre frère."
Quand vous réalisez que vous considérer plus la personne que le handicap que la famille (en tous cas que le dernier frère) ça... remue.

Il y a les douches, et plus globalement tout ce qui est du domaine du rapport au corps et de l'intime.
Cet été, c'était ce qui m'angoissait le plus. Je ne m'attendais absolument pas à être propulsée dans l'intimité d'une trentaine de personnes (sur le contrat, c'était écrit "animatrice"; n'oublions qu'à la base je suis une fille naïve hein).
Là, ça ne me pose aucun problème, et pas à cause de la grande différence entre le handicap mental et physique. Mais parce qu'il y a tout les éléments qu'il manquait si souvent cet été : aller au rythme de la personne, avoir le temps d'être à son écoute. Tout bêtement. (Et puis certainement la non ghettoïsation, puisqu'ils vivent dans des immeubles où vivent aussi des personnes valides.)
Je redécouvre les douches comme moments d'entière mise à nue. C'est à dire au sens propre comme au figuré. Le moment des récits de vie spontanés.
Même sans eau chaude : mardi soir, chez un monsieur, la cinquantaine. C'est parti d'un "vous êtes pas des Iles, vous [aussi] ?" Il a commencé par quelques mots sur son enfance, et a remonté le temps. Sa vie d'avant. Avant l'accident qui lui a laissé tout le côté gauche inerte. Et les difficultés de l'après.
En moins une heure et quart, ce qu'il aurait mis deux ou trois entretiens-psy à mettre en mots, là, dans l'espace, jonchant ses innombrables canettes de bières vides.

(Bon, cela dit, on a jugé que j'étais apte à aller chez Le Chieur... vu le briefing, je sens que le dialogue, la dérision, tout ça, dimanche prochain va falloir que j'oublie.)

lundi, mars 16, 2009

Ecailles&Pétales.

A chaque moment fort, chaque évènement, nous nous entourons de fleurs.
La fleur porte presque l’évènement. Et une fois tous les pétales tombés ?
C’est en partie pour ça que je n’y ai pensé qu’un temps : trop délicates, trop éphèmères.
(Mais un soir, en ouvrant ma porte, fleurs il y eut tout de même.)



(merci)

Je voulais inverser le processus, ne pas aller vers une mort annoncée une seconde fois dans le mois. Déjà tellement d'échos au quotidien.

C’est ainsi que Luna entra dans ma vie.



mercredi, février 18, 2009

Annonce d'un non-décès.

Ce petit espace n’est pas tout à fait décédé, pour répondre aux trois personnes qui m’ont demandée si j’avais définitivement arrêté d’y écrire.
A vrai dire, je ne peux même pas prédire sa fin à l'avance.
Un jour, oui, il n’y aura plus aucune note. Il faut même espérer pour moi que ce jour arrivera avant dans dix ans.
Je suis incapable de me forcer à écrire, ici ou ailleurs. Ce n’est pas qu’une question d’envie, mais aussi de besoin. Besoin d’y déposer.

Je pourrais écrire comment je suis (re)devenue hypersensible devant Roc Elerc pompes funèbres, le 5 février dernier.
Comment, quelques heures plutôt, j’arpentais les allées d’un magasin de vêtements, côté (grands) enfants pendant qu’une collègue (et pas n’importe laquelle) tournait en rond, rayon 3ème sexe. Comprenez « Grandes tailles » ; vous savez, le rayon reclus, dans un coin de magasin, si possible à côté de la sortie de secours.
Il y a plusieurs catégories de femmes, voyez un peu dans quelle case vous entrez :
-grosses. L'état le plus malheureux. Tous les invendus d'il y a quinze ans vous attendent. (Mais qui ne rêve pas d'une tunique sans forme unie bleu turquoise ?!)
-enceintes. Là aussi vous êtes grosses hein. Mais vous avez droit à des vêtements plus sympas, dont les coupes vous avantageront, parce qu'après tout c'est pas de votre faute hein, c’est la nature ! Avec un peu de chance, et surtout avec LE régime de votre magazine favori, ce ne sera que temporaire, vous re-rentrerez bientôt dans les normes.
-Justement, les trois/cinquième du magasin y sont consacrés, aux femmes normales.
De petits adjectifs jalonnent votre parcours : Active, Actuelle, ou encore Classique; selon la composante dominante du moment de l'estime de soi, bien sûr.
-Et puis enfin, vous pouvez comme moi vous diriger vers le rayon enfants. Les modèles y sont bien moins laids.

Je pourrais raconter comme ça me fait du bien de passer de temps en temps une journée ou soirée avec des gens qui ont les mains dans la merde, plutôt qu’un bouquin dans l’une, une bière dans l’autre (pour ça, les éduc’, y a que ça d’vrai.)

Comme je commence à mal supporter l’accumulation de théories sans réel lien avec la pratique. L'oedipe des personnes en situation de handicap, c'est bien gentil, mais... après ?!
D’ailleurs, j’ai enfin réalisé (ouais, il était temps) que la passation de questionnaire créait nécessairement un biais, qui fausse admirablement tout. Même en prenant les milles et une précautions des cours de méthodo. Et dire qu’il y a encore un an, j’y croyais fort, à mes petits questionnaires… (et surtout, si on n'avait pas voulu de moi ici, je serai certainement en train de terminer les enquêtes inachevées de certains profs, comme il y a un an. Faut bien que ça serve à quelque chose, un(e) étudiant(e) !)
Mais parce que la vie est parfois bien faite, les cours sur le transgénérationel, c'était au semestre dernier. Le pire, en psycho, c'est quand vous n'avez aucun recul, vous ne pouvez alors plus vous amusez avec les nouveaux mots que vous avez appris. A la place, vous déprimez.
Heureusement, ma "formation" étant tout bonnement un gros paradoxe, son versant principal continue de m'amuse énormément.

Je pourrais aussi décrire comment corrompre un frère, et ainsi obtenir le nouvel testament gratuitement. (J’ai promis que j’en lirai en moins dix pages.) Le plus drôle, c'est qu'il a avoué que l'argent des fidèles lui sert souvent à acheter des cartes téléphoniques pour qu'il puisse discuter, voire s'inviter chez ses connaissances, comme il dit.
Ou comment partir (au départ involontairement et presque innocemment) d’un salon de thé-chicha en gardant son porte-monnaie bien au chaud.

Ou même comment j'ai cru devenir mutante, il y a trois semaines.

(...)

Mais le plus important, ces temps ci, c'est que j'oublie. Déni ou pas, à vrai dire, qu'importe.
Le matin, les yeux encore fermés, je sens juste que je respire.
Mes pensées n'en sont plus envahies. Je respire, et j'oublie.

Dès demain, je partirai à la recherche de Luna. Mais elle ne pourra pas être à mes côtés avant le 3 du mois prochain. Chaque chose en son temps.
Plus d’explicitations au prochain épisode, peut être. En attendant, vous pouvez toujours émettre des hypothèses au sujet de Luna.

Willow n’a plus que deux cordes valides, ce qui est quelque peu problématique.
Tiens, en parlant musique, les demoiselles qui, le 27,* m'aideront à affronter cette fin de mois particulière.

(Hier soir on m'a fait découvrir les graines de lupin. Et ben, même si je n’ai pas encore la technique pour retirer la peau en moins de deux secondes, j’aime. Ca doit être l’arrière goût de Babybel.
Si vous n’avez jamais mangé de Babybel dévêtu passé vingt secondes au micro-ondes, sachez qu’il est encore temps.)


* Si vous êtes intéressé par l'album en entier, il vous suffit de quelques mots et d'un Envoyer, sur votre boite de réception. Il faut bien partager les bonnes choses !