Aujourd’hui, la petite stagiaire que je suis avait rendez-vous avec son collègue de projet pour aller présenter l’assoc, obtenir une salle à la médiathèque, et trouvez quelqu’un d’assez sympa pour s’invertir un peu dans le projet avec nous. (Passionnant, tout ça.)
A l’entrée : « Ah oui, la salle… La salle pour le spectacle de ce soir, c’est vous c’est bien ça ? - Ah non non non, c’est pas nous ça ! Nous on sera avec des ados, après les vacances… » Sourire fier du monsieur, à la j’t’ai eue, petite. Hé ouais, ma naïveté a encore frappé.
Bref, après quelques montées et descentes d’escaliers, un monsieur accepte nous aider. [ô joie, un problème de (presque) réglé, la vie sociale me tend les bras...]
Vint le moment fatal : celui où il faut noter l’adresse email du monsieur. Je m’explique. Mon bloc-notes a été ensevelit, il me faut vider mon sac. Deux livres, trois DVD (la médiathéque, c’est la vie !) et surtout…. Globolf... … Ou comment perdre toute crédibilité en à peine cinq secondes :
Après Audrey (la poule !) et tant d’autres, Globolf !
Globolf… Quelques heures plus tôt, sur la colline lyonnaise, une fête forraine. Une fête forraine et Mr S., grâce à qui j’ai pris conscience de l'ampleur des dégâts dans les casinos, et la demande croissante de psys sur le terrain. Au bout de quelques pièces glissées dans les machines à pinces (ou attrapes nigauds), son déterminisme a payé : voilà qu’il me met Globolf dans les bras. Je n’ai évidemment pas pu résister longtemps à ses yeux globuleux. A suivre.
Je repense souvent à cet été. C’est dingue comme ils m’ont permis de m’encrer, tous. Le premier contact, T-shirt XXL jaune poussin (pas la casquette, faut pas abuser non plus), dans l’herbe, aux pieds des cars. Je suis allée m’accroupir à côté du jeune homme au même prénom que mon frère (et d’un autre frère, liant), qui après quelques mots et sourires a soulevé sa manche en disant « Il faudra que tu me prennes mes rasoirs. » J’ai avalé ma salive, en pensant que je ne pouvais plus reculer, ça y est, ça devenait réel. D’ailleurs, contrairement à ce que je pensais, les premiers contacts ont été faciles, j’étais pleine de projets. S’en est suivie une descente assez violente : la réalité institutionnelle. Le nombre incalculable de fois où on a dû froler la maltraitance.
Premier octobre. « Moi c’est Audrey, j’suis aussi en psycho. En fait, j’vais m’occuper du projet identité culturelle, on s’verra surtout à la médiathèque. Mais pour le moment, j’viens aux perms. Ah oui, j’viens d’arriver dans l’assoc, aussi.» Stage dans l’accompagnement scolaire, comme ils disent. Un clin d’œil silencieux.
L’ambiance, très conviviale au début, commence à ternir un peu. Je me demande comment on peut être aussi convaincant dans son rôle d’adultes avec les ados, et régresser (délires de pouf’, tu m’as fait une remarque qui m’a pas plu, non non j’veux pas en parler, j’préfère te faire la gueule, s’acharner sur un ou plusieurs bouc-émissaires, sans oublier les immanquables potins). Réalité institutionnelle, nouveau volet !
Heureusement, à côté de ça, des liens commencent à se tisser avec les ados (même si je suis tout à fait incapable de les aider à faire leurs maths. Non, pas seulement les maths des lycéens, puisqu'à partir de la 4ème, je bloque.)
~ ~ ~
J’aime les matins à contre sens. Grand bol d’air non-enfumé, et tous ces gens qui ont déjà commencé à courir après le temps. Une parenthèse, le temps de rentrer : quinze minutes sous l’eau chaude, se remettre un bandeau dans les cheveux, et repartir s’engouffrer dans le métro. Les réveils originaux, aussi.
Ici, on vous dit "très bonne soirée", et quand vous êtes perdue et trempée à la tombée de la nuit parce que ça fait une demie-heure que vous marchez sous la pluie, un gentil monsieur descend de son vélo et vous amène jusqu’à la rue-mystère.
Quand vous entendez « Mad’moiselle ? », le « putain qu’est-ce qu’il m’veut », vous ne le pensez que rarement.
Ici, quand un monsieur aveugle marche trop près des rails du tram, il y a toujours quelqu'un pour l'attraper par le bras « Hé cousin, où est-ce que tu vas comme ça ?! ». Quand on a la même couleur de peau on est frères, sinon on est cousins, c'est aussi simple que ça. Parfois je pense (assez sérieusement, je dois l’avouer) que ce serait un bel endroit pour faire un remake d’Amélie Poulain. Oui, c’est ça : un bel endroit. Ca résume bien.
(Même qu’on a encore jamais essayé de me vendre du shit.)
Bar-péniche, pâtisseries orientales, tandooris (et nâan au fromage, évidemment !). Nocturnes, c'est toujours meilleur.
~ ~
La plupart de mes nouveaux collègues sont de grands globe-trotteurs. Je me sens souvent très (trop) jeune. Pas seulement à cause de mes 20 petites années, mais surtout de la richesse de leurs regards, qui se sont posés sur tant d’Ailleurs. Pas mal de musiciens en herbe, aussi. (D’ailleurs, si le soleil pointe le bout de son nez, il se pourrait que Willow découvre celle du parc aux roses.)
[Aux demoiselles rouennaises : pas de retour au bercail pervu avant Noël. J'ose espérer que personne n'ira skier pendant deux semaines, hein !]
~
Mardi, dans le métro. Les folies d’Espagne dans les oreilles, comme tous les matins. Le soir, rebelote. Mais un écouteur en moins pour écouter la fille qui lisait le journal à voix haute « pneumonie foudroyante, âgé de 37 ans il laisse le souvenir d’un acteur doué et d’un homme torturé». L'écorché vif, dans tous les journaux, sur toutes les lèvres. Je déteste cette expression.