De retour d’un monde parallèle. Où tout est plus vrai, plus spontané. Où j’ai croisé les regards les plus riches de toute ma courte existence.
L’immense claque, la première semaine. Une des pires de ma vie. Décalages en tous genres.
Malgré un premier contact naturel et plein de petits projets, la réalité finit toujours par l'emporter. Les troubles attentionnels, du comportement, le repli extrême de certains, et tout le côté sanitaire auquel je ne m’étais pas du tout préparée.
Et le moment des douches, que je prenais comme une intrusion dans leur intimité.
Les médocs. Atarax et théralen à gogo, jusqu’à 300 gouttes par jour.
Le choc en apprenant qu’après les animaux, les personnes handicapées mentales servaient de cobayes pour les nouveaux médicaments mis sur le marché. Comme beaucoup sont pupilles de l’Etat, il faut bien récupérer l’argent là on peut, hein…
Leurs évolutions, petites ou grandes. Qui font oublier la fatigue, la vaisselle, et surtout les divers ‘accidents’ (heureusement pour la nourriture qui se trouvait dans nos estomacs, il n'y avait qu'une personne encoprétique...)
Métamorphoses. Notamment un qui est passé de « J’ai mal à l’anus, j’ai mal à l’anus, j’ai mal à l’anus, j’ai mal à l’anus (…) Tu peux regarder hein, tu peux regarder ? » à des délires/imitations de rockeurs.
Les premiers mots de Sophie, sa main dans la mienne, un soir de juillet.
Les questions qui fusaient au musée. Leur sur-excitation avant les soirées à thème.
Leur créativité révélée par les activités manuelles (de l'argile, ENFIN !).
Leur constante demande d’affection.
Louise Attaque pendant les comptes rendus d’observation.
Les sursauts pendant les tours de garde, armée d’une lampe torche ou de la lumière de mon portable (curieusement, la lampe torche, on l’oublie une fois, pas deux…)
Les cinquièmes esquivés pour arriver à cinq heures et demies de sommeil.
Les mauvais jours, à fleur de peau.
Mais leur joie de vivre, quoiqu’il arrive.
L’urgence. Les crises de paranoïa. Mon baptême d’ambulance, un rapatriement en hp. Une nuit à l’hôpital, où on a cru qu’un transformiste était mon « fiancé ».(A vrai dire, j’aime bien ça, l’urgence. Juste pour la pousée d'adrénaline.)
Tellement d’autres choses, difficilement racontables.
Je crois que c’est leur rapport au corps, le peu de frontière entre la vie collective et leur vie affective et sexuelle qui m’ont le plus marquée. En un mois, on en a vu des choses. Exhibitionnisme (beaucoup), une nympho, et même une tentative de viol (homme/homme). Quasiment aucune limite. Ca dépasse la morale. La sexualité, personne ne voit l’intérêt de leur en parler. Des enfants dans le corps d’adultes. Sauf que c’est un peu plus compliqué que ça, et qu’ils sont souvent bien plus malins qu’on le pense.
Et Jean Mich’, le pervers de service tant redouté des anim-filles en début de séjour. Bouc émissaire idéal pour les autres. Ses innombrables tentatives de blottage, et moitiés de repas finies sur mes genoux (causes : pas de dentier/précipitation).
Jean Michel, qui fuguait pour aller acheter ses BN (au chocolat, s’il vous plait !)
Le plus photogénique des vacanciers (et surtout, le plus attachant. Mais ça, faut pas le dire.)
Comme j’aimais aller le réveiller pour aller manger. Un peu moins quand il fallait lui arracher ses magazines pornos des mains pour le faire sortir de son lit.
Sa lucidité et sa générosité. Nos discussions, enfumées par ses L&m. Soixante ans, meilleur ouvrier de France en plomberie, il y a une quarantaine d’années.
Ses clowneries.
Je ne l’aurais jamais cru avant, adorable et pervers sont loin d’être incompatibles. (Précisons que de petites pilules bleues nous protégeaient de ses pulsions.) Les larmes refoulées quand à Paris, ils se sont mis à deux sur lui, un bras chacun, direction l’hp. Alors qu’il aurait suffit de lui lancer un regard noir et de quelques mots (suivis d'un clin d'oeil) pour qu'il se recentre.
Les seules choses que je regrette, c’est de n’avoir pas eu plus de temps à leur accorder, individuellement; de n'avoir pas pu intégrer la musique. Et le départ pour Paris, tellement à l’arrache que j’ai même pas eu le temps de leur dire au revoir à tous.
[Par contre, ma réserve de patience se trouvant momentanément épuisée, des réactions inhabituelles sont à prévoir.]
Je repartirai. Plus en double séjour (deux niveaux d’autonomie différents), avec moins de vacanciers, certainement moins d’un mois, et avec une équipe un peu plus… homogène. Mais je repartirai, ouais. C’est fou ce qu’on apprend, dans ce monde parallèle. A repousser ses limites, surtout.
Et même à poser un dentier.
En espérant recroiser le chemin de certains.
Une putain d’expérience.
A leurs étoiles.
lundi, août 25, 2008
De retour d'un presque autre monde.
Publié par Rose Noire , à 02:08 3 commentaires
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